
Même s’ils sont mal-logés, les locataires souhaitent dénoncer sans risquer de se retrouver à la rue (©©StockAdobe)
Dans la pénombre de leur modeste F2 de 40 m2, Jean*et Jessica*font les cent pas. Dehors, les rayons du soleil d’un printemps prometteur inondent les appartements des Franciliens. Mais pas dans ce logement de Dammarie-lès-Lys. Les volets mi-clos font régner une ambiance mortifère. « C’est pour nous protéger des regards indiscrets, précise Jean*, stressé. D’ailleurs, êtes-vous certaine de n’avoir croisé personne que vous connaissiez ? » Jean* n’est pas parano. C’est juste qu’il craint de se faire expulser. Pas question de prendre des photos. Encore moins de révéler le nom de la rue. Au royaume des marchands de sommeil, c’est le silence qui fait loi. Car, même s’ils sont mal-logés, ces locataires souhaitent dénoncer sans risquer de se retrouver à la rue. Non, la rue, ils ont déjà donné. « J’étais SDF, explique Jean. Toutes mes affaires étaient entreposées dans ma voiture. Il fallait que je trouve un hébergement d’urgence. Alors, on m’a donné le numéro du propriétaire et, le jour même, j’avais trouvé un toit. »
Insécurité
Enfin, un toit… « un taudis plutôt », d’après Jessica*dont les parents ne savent rien de sa situation. « J’ai trop honte », précise-t-elle. Dans les toilettes, une bassine est posée à terre pour récolter les gouttes d’eau qui s’échappent des tuyaux. Ploc-Ploc. Tuyauteries pourries cachées sous du crépi grossier, peinture qui s’effrite au plafond, infiltrations d’eau : Jessica dresse un état des lieux peu flatteur. « Et encore, dans d’autres appartements, il y a même des cafards ! Et c’est sans parler de l’insécurité ! Une fois, en plein jour, un homme a tenté de s’introduire chez nous par la fenêtre. L’allée abonde de drogués et d’alcooliques. Les bagarres sont fréquentes. »
Et de poursuivre : « Pour ça, on paie 650 € par mois sans quittance de loyer, donc sans possibilité de bénéficier des APL ». Une vraie galère pour ce couple qui ne roule pas sur l’or, c’est le moins qu’on puisse dire. « D’un côté, je suis reconnaissant car le propriétaire m’a sorti de la rue, tempère Jean*. C’était ça ou rien. Mais il est vrai qu’il a profité d’un moment de faiblesse. »
Aujourd’hui, il ne reste plus au couple que le rêve d’une vie meilleure. Jean* et Jessica* ont fait une demande de logement social. En attendant, pour ces Dammariens vulnérables, derrière les murs défraîchis, la (sur) vie silencieuse continue.
Vanessa RELOUZAT
@VanessaRelouzat
*prénoms modifiés