
Sylvain Pelletier, à la tête de la pharmacie, est prêt à faire de son officine un projet pilote pour le territoire. (©Le Pays Briard)
Qui n’a jamais essuyé d’échec en tentant désespérément d’obtenir une consultation en urgence chez le médecin ? En Brie, cette question ne manque pas de faire rire jaune puisque la Seine-et-Marne se classe à la 97e position (sur 101 départements en incluant l’Outre-Mer) des départements les moins pourvus en médecins généralistes si l’on rapporte ces professionnels de santé au nombre d’habitants.
Moins de médecins généralistes
L’exemple de La Ferté-Gaucher illustre parfaitement la problématique de la désertification médicale : trois médecins pour 4 802 habitants. Et l’on ne tient pas compte ici de la population des villages environnants, eux aussi très mal pourvus en médecine générale. « À mon arrivée il y avait six généralistes, aujourd’hui trois… », témoigne Sylvain Pelletier, l’unique pharmacien de la ville.
La mairie et la communauté de communes ont pris ce problème à bras-le-corps. Sur un terrain cédé par la municipalité les Deux Morin y ont fait construire une maison de santé. Celle-ci doit bientôt ouvrir mais il manque plusieurs professionnels de santé. En tout, huit cabinets sont disponibles. Pour Yves Jaunaux, l’idéal serait que quatre ou cinq médecins s’y installent. Le maire (LR) de La Ferté-Gaucher aimerait que des professionnels plus jeunes le remplacent, lui qui consulte toujours à bientôt 75 ans. Avec sa maison de santé, La Ferté-Gaucher est presque assurée d’accueillir de nouveaux médecins, ce qui n’aurait pas été le cas sans ce projet.
D’autres alternatives sont à l’étude à La Ferté-Gaucher pour faire face à la pénurie de médecins. Yves Jaunaux a « proposé à la sous-préfète que La Ferté-Gaucher soit un secteur innovant où l’on expérimente des choses. » Plusieurs idées ont été proposées ces dernières années comme un bus itinérant ou la possibilité pour les médecins d’avoir un cabinet secondaire. Le 18 février dernier, Yves Jaunaux a adressé un courrier à Agnès Buzyn, ministre de la Santé, afin de la « sensibiliser à la démographie médicale ». Résultat : le maire de La Ferté-Gaucher a obtenu un rendez-vous avec l’Agence régionale de santé la semaine prochaine.
La télémédecine, c’est quoi ?
En attendant, la pharmacie vient de se lancer dans la télémédecine à la fois pour lutter contre la désertification médicale et éviter l’engorgement des hôpitaux. Depuis le début du mois, une pièce est aménagée au sein même de l’officine pour des consultations à distance. Ce modèle est préconisé par le gouvernement. Pour le ministère des Solidarités et de la Santé, la télémédecine « fait évoluer la médecine pour répondre à des défis tels que le vieillissement de la population ou encore le suivi approfondi des maladies chroniques. Elle est également un vecteur important d’amélioration de l’accès aux soins, en particulier dans les zones fragiles. »
Dans la pharmacie, les malades peuvent prendre rendez-vous avec l’un des médecins inscrits sur la plateforme agréée Medicitus (généralistes ou spécialistes) et suivre une consultation par écrans interposés dans un espace confidentiel. Le patient renseigne sur l’ordinateur diverses informations personnelles sur une plateforme sécurisée (prénom, nom, âge, numéro de Sécurité sociale, mutuelle, motif de la consultation, etc.). La consultation coûte 30 euros, elle est prise en charge par la Sécurité sociale.
Les médecins sont installés un peu partout en France et auscultent grâce à des outils connectés (stéthoscope, dermatoscope, otoscope, balance, tensiomètre, oxymètre de pouls…), sous le contrôle d’un des 14 diplômés de la pharmacie. Ces objets vont permettre de transmettre des images et des sons au médecin pour affiner son diagnostic et délivrer une ordonnance.
« Nous inciterons le patient à se tourner vers son médecin »
Pour Sylvain Pelletier, « 75 % des diagnostics peuvent être réalisés à distance » grâce à la télémédecine, tandis qu’Yves Jaunaux place plutôt le curseur autour des 30 %. « La télémédecine est utile pour la médecine générale mais pas seulement : il est possible de renouveler un traitement chronique, ajoute Sylvain Pelletier. Si le médecin a besoin de palper l’épaule, bien sûr qu’une consultation classique est meilleure, mais à défaut… C’est un service mis à disposition gracieusement par la pharmacie. Nous inciterons toujours le patient à se tourner vers son médecin traitant ou un médecin de proximité, mais en cas d’impossibilité d’avoir une consultation dans un délai compatible avec son besoin, il y a désormais une possibilité qui n’existait pas avant. »
En tant que médecin généraliste, Yves Jaunaux porte un regard mesuré sur la télémédecine : « C’est mieux que rien mais ça ne va pas régler définitivement le problème de la désertification médicale. Rien ne remplace le contact avec les gens, la conversation, toute cette dimension sociale. »