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Mathieu Rouvrais. « Pour ne pas disparaître, les bouchers sont amenés à évoluer »

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Mathieu Rouvrais vote en faveur de la qualité.

Mathieu Rouvrais vote en faveur de la qualité. (©Réveil Normand)

Profondément attaché à son métier, le propriétaire du 25 Grande Rue est conscient des impacts de l’évolution des modes de consommation sur son travail. Petit, Mathieu Rouvrais voulait être mécanicien. Mais lui qui a « toujours aimé le travail manuel » s’est finalement orienté dans la boucherie après un stage concluant chez son oncle. Il a très vite apprécié ce métier. « J’ai commencé mon apprentissage à Bernay en 1998. J’y ai appris la rigueur et la ponctualité. Je m’y suis vraiment épanoui ». En 2000, le voici meilleur ouvrier de l’Eure, de Haute-Normandie et 3e meilleur ouvrier de France.

Après sept ans de salariat, il s’installe à son compte à La Ferté-Fresnel, au 25 de la Grande Rue. « C’était le cheminement logique. Je voulais travailler à mon idée. Avoir son nom sur sa façade, c’est quelque chose. » Après de difficiles premières semaines, Mathieu Rouvrais s’est fait sa place dans le village. Ses clients s’étendent bien au-delà des limites de la commune, sa réputation étant bien établie.

Privilégier la qualité au volume

Depuis ses débuts dans la profession il y a maintenant deux décennies, Mathieu Rouvrais a pu observer l’évolution des modes de consommation. Le développement des boucheries dans les enseignes de grande distribution a amené les bouchers indépendants comme lui à modifier leur façon de travailler. « C’était une bonne chose, affirme-t-il de façon optimiste. Nous privilégions pour notre part la qualité au volume. Nous poussons le travail sur la viande plus loin que les grandes surfaces ».

Mathieu Rouvrais cherche à s’émanciper de l’image caricaturale prêtée aux bouchers. « Regardez, mon tablier n’est pas ensanglanté, il est même tout blanc » rigole-t-il à ce propos.

« Chacun est libre de manger ce qu’il veut »

Dans cette lignée progressiste, il s’attache à pas aller à l’encontre des adeptes de nouveaux modes de consommation. Lui ne s’oppose pas aux flexitariens qui limitent leur consommation de viande, ni aux végétariens et vegans qui ne consomment pas de viande. « Chacun est libre de manger ce qu’il veut. Je prône d’ailleurs le manger moins pour manger mieux. Il n’y a aucun intérêt à manger trop ».

Lire aussi : La Ferté-Fresnel. Mathieu Rouvrais en finale du concours de Meilleur Ouvrier de France

Lui-même se revendique d’ailleurs attaché au bien-être animal, ce qui aurait de quoi faire frémir les vegans ultras. Il argumente : « les conditions d’élevage et d’abattage sont importantes pour moi. Une bonne viande au goût est issue d’un animal qui a été heureux de vivre. Nous n’avons aucun intérêt à ce que l’animal ne souffre ».

En dehors de ces tendances, l’artisan observe une modification plus globale des modes de vie. Face à la diminution du temps accordé aux repas lors de la pause méridienne, le portionné a connu une croissance importante. Commandant lors de l’entretien, cette habituée de la boutique prend d’ailleurs deux parts de lasagnes pour son repas du midi.

400 postes à pourvoir en Normandie

Une autre évolution a touché plus négativement sa branche. La croissance du secteur des services et l’allongement de la durée d’étude ont impacté les boucheries, qui peinent désormais à recruter. Si Mathieu Rouvrais n’est pas le plus touché par le phénomène, il en reste conscient. Il croit d’ailleurs cerner les raisons de ce désamour.

« C’est une profession qui demande de l’investissement, avoue-t-il. Il faut être prêt à commencer tôt le matin, finir tard le soir et à travailler le week-end. Pourtant, la boucherie est un ascenseur social. On peut se construire une carrière à partir d’un CAP et bien gagner sa vie à force de volonté. C’est un métier complet aux bonnes conditions de travail. »

Si 400 postes sont à pourvoir en permanence en Normandie, lui ne croit pas pour autant à la fin de son métier. « On peut très difficilement l’industrialiser. Il restera toujours manuel. Mais pour ne pas disparaître, il sera amené à évoluer. Nous avons résisté à la vache folle, à la grande distribution, aux vegans et aux ventes directes à la ferme. Nous devrons continuer à nous relever ».

 

Arthur Massot


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