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L'inquiétante disparition des lapins de garenne en Seine-Maritime

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Le lapin de garenne est sérieusement menacé d'extinction alors qu'il est classé comme nuisible sur toute la Seine-Maritime. Autrefois abondant, il est aujourd'hui sur le déclin. Les maladies mais aussi l'évolution des pratiques agricoles et forestières n'y sont pas étrangères (© stock.adobe)

Le lapin de garenne est sérieusement menacé d’extinction alors qu’il est classé comme nuisible sur toute la Seine-Maritime. Autrefois abondant, il est aujourd’hui sur le déclin. Les maladies mais aussi l’évolution des pratiques agricoles et forestières n’y sont pas étrangères (© stock.adobe)

La situation est préoccupante : le lapin de garenne se fait de plus en plus rare en pays de Caux et en pays de Bray au point d’en inquiéter les chasseurs de Seine-Maritime. Les raisons de cette raréfaction depuis plusieurs années sont connues et sa disparition, à terme, pourrait être lourde de conséquences.

Philippe Leboucher, le coordinateur au service technique de la Fédération départementale des chasseurs qui se trouve à Belleville-en-Caux, près de Tôtes (Seine-Maritime), constate :

Nous n’avons pas terminé les comptages, mais la tendance est plutôt à la continuité de la diminution des populations. Cette diminution des populations de lapins de garenne ne se limite pas seulement à notre département, c’est un constat pour tout le nord-ouest du pays.

Lire aussi : Les chasseurs affichent un large sourire en Seine-Maritime

La principale cause de cette disparition des lapins de garenne est due aux parasites viraux ou bactériens qui déciment des colonies entières, depuis le siècle dernier. Dans les années 50, la myxomatose a été très dévastatrice. Philippe Leboucher explique : 

Des individus ont outrepassé la mortalité à ce moment-là mais des groupes de population se sont reconstitués. Parallèlement, ce virus a développé d’autres souches plus ou moins pathogènes, mais une certaine immunité s’est mise en place.

De la myxomatose au RHVD 2

À la fin des années 80, alors que la myxomatose fait de moins en moins de dégâts, les lapins de garenne ont été touchés par une maladie hémorragique qui a provoqué une hécatombe dans notre région : le calicivirus RHVD 1. Et depuis 2010, celui-ci a muté en RHVD 2.

Les populations sont de plus en plus isolées et la transmission du virus se réalise le plus souvent dans les terriers à cause des cadavres qui y restent momifiés, explique le technicien de la Fédération des chasseurs de Seine-Maritime. Et avec les variations de températures, les lapins juvéniles sont touchés par la coccidiose [des parasites qui se développent en raison d’un environnement impropre].

C’est surtout le cas d’avril à août.

Lire aussi : En Seine-Maritime, des chasseurs retrouvent un homme décédé dans une voiture garée en forêt

« Des corridors écologiques »

Outre les pathologies mortelles, la forte mortalité du lapin de garenne est également due aux évolutions des techniques agricoles et forestières. Les léporidés ont besoin de s’épanouir dans des bandes enherbées, au pied de haies ou encore sous des taillis. Philippe Leboucher regrette :

À certains endroits, il n’y a malheureusement plus rien. Nous travaillons justement à la Fédération des chasseurs à remettre en place des aménagements qui ont un intérêt pour la petite faune, qu’elle soit chassable ou non. Ces corridors écologiques, ce sont des autoroutes pour les lapins qui peuvent aller d’une colonie à une autre. Même s’il y a le passage d’un virus pathogènes, il y a aura toujours une transmission du virus mais ça a aussi pour effet aussi d’entretenir une immunité sur plusieurs lapins.

Double statut : nuisible et gibier

Le lapin de garenne se reproduit au printemps et c’est dans un terrier peu profond – appelé une rabouillère – que la lapine met bas. Ce terrier est souvent formé en plaine à proximité des colonies. Malheureusement, les passages de charrues au moment de semer les prochaines récoltes viennent détruire leurs habitats.

Enfin deux autres facteurs sont responsables de la disparition du lapin de garenne dans notre région. Il y a d’abord les prédateurs comme les renards qui sont nombreux en pays de Caux mais aussi les fouines, les putois…

Les chasseurs en sont aussi en partie responsables même s’ils sont sensibles à la forte diminution des populations. Le technicien de la Maison départementale de la Chasse et de la Nature reconnaît :

À ce jour, le lapin de garenne n’a pas de plan de gestion, c’est une espèce qui a un double statut : celui de petit gibier et celui de nuisible. Il y a donc des possibilités de destruction au-delà des périodes de chasse suite à des sollicitations par les agriculteurs ou des forestiers.

Les chasseurs de Seine-Maritime disent avoir conscience qu’il est nécessaire de mettre en place des politiques de protection et de gestion du lapin de garenne.

Les chasseurs de Seine-Maritime disent avoir conscience qu’il est nécessaire de mettre en place des politiques de protection et de gestion du lapin de garenne. (©stock.adobe)

Des nuisances et des utilités

L’UICN, l’Union internationale pour la conservation de la nature, a classé le lapin de garenne comme une espèce quasi menacée, fin 2017. Randonneurs, automobilistes ou amis proches de la nature peuvent en effet remarquer que le lapin des bois se fait très discret alors qu’on en apercevait par le passé jusqu’aux portes de Dieppe (Seine-Maritime).
Le lapin, un herbivore opportuniste, est reconnu comme nuisible sur tout le département de la Seine-Maritime parce qu’il commet des dégâts dans les cultures « en consommant toutes sortes de végétaux, y compris des écorces d’arbres ou des semi-ligneux tels que la ronce, ajoncs et bruyères. Mais sa préférence va pour les graminées et les légumineuses » indique l’ONCFS, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage.
Si les jardiniers le vilipendent dès lors qu’il vient se nourrir dans les potagers, le lapin de garenne a pourtant des utilités. Il mange les herbes sèches et nettoie les sous-bois. Ses terriers permettent un bon drainage des sols, l’eau ruisselant dans les galeries.
Les associations qui s’activent pour la préservation de la biodiversité commencent à s’approprier le sujet dans diverses régions de France, y compris à Paris où la préfecture de police a donné l’autorisation de détruire jusqu’au 30 juin 2019 des colonies entières, notamment sur les pelouses des Invalides !
En Seine-Maritime, la Fédération départementale des chasseurs prend le sujet très au sérieux : « Les chutes de populations de petits gibiers ont fait prendre conscience à la majorité des chasseurs qu’il était nécessaire de mettre en place des politiques de protection et de gestion. Mais pour le lapin il n’en est rien, et la raréfaction se poursuit inexorablement, a déclaré Alain Durand, le président de la FDC 76. Les retours d’expériences font état qu’il est possible d’inverser la vapeur à la condition d’un travail quotidien sur l’entretien, les aménagements, la régulation des prédateurs, etc. et qu’une gestion adaptative soit engagée. »
Loin des idées préconçues, les chasseurs seinomarins semblent déterminés à agir pour la sauvegarde des lapins de garenne. Ce pourrait être une belle manière de démontrer que leur revendication de « premiers écologistes de France » n’est pas qu’un slogan.

 

Aurélien Bénard


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