
Marie-Claude Piquemal Doumeng, maire de Villefranche-de-Lauragais, devant le panneau de la rue de Lorraine. (Crédit photo : Henri Marcellin)
Après la signature le 22 juin 1940 dans la clairière de Rethondes de l’Armistice entre le IIIe Reich et le gouvernement français dirigé par Pétain, la Lorraine se voyait annexée par l’Allemagne.
L’automne de cette même année 40, suivaient d’importantes vagues d’expulsion de la région francophone Alsace-Lorraine. Et le 29 juillet 1941 l’allemand devenait la langue obligatoire en Alsace-Lorraine.
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Tous les habitants qui se reconnaissaient français et qui donc ne souhaitaient pas devenir allemands furent expulsés par les nazis et remplacés par de nombreux colons germaniques, les « siedler ».
Exil forcé de Moyenvic vers les villages du Lauragais
La population du petit village de Moyenvic en Moselle (57) a vécu cet épisode dramatique du déracinement. L’exil forcé des Moyenvicois vers le Midi de la France intervenait le 18 novembre 1940 avec un maigre baluchon autorisé de 30 kg par personne et un pécule de subsistance de 2 000 francs.
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Cette population laissant à l’occupant maison et animaux fut répartie en Haute-Garonne notamment à Villefranche-de-Lauragais et plusieurs villages des alentours : Renneville, Cessales, Vallègue, Lux, Montgaillard-Lauragais, Gardouch et Vieillevigne.
Un livre retrace cet épisode
Ancien maire de Moyenvic, Charles Penin évoquait en 1988 dans son livre* cette tranche de vie. Pour certains Mosellans, une page de leur existence était définitivement tournée :
Dans le Midi, le contact avec la population était bon, si bien que de nombreux mariages furent célébrés. Certains mariés sont restés dans le Lauragais et d’autres sont remontés en Lorraine avec leur famille.
Aujourd’hui le devoir de mémoire est inscrit sur la faïence de l’odonymie respective de ces deux communes distantes de plus de 900 kilomètres.

A 900 km de Villefranche-de-Lauragais, Jean-Marie Simerman, maire de Moyenvic, pose devant le panneau de la rue du Lauragais à Moyenvic.
Désormais, la rue de Lorraine à Villefranche-de-Lauragais et la rue du Lauragais à Moyenvic sont reliées à jamais par l’histoire.
Henri Marcellin
* Moyenvic : Passé et présent d’un village lorrain du Saulnois de Charles Penin est paru en 1988 aux éditions Pierron.
Rubrique réalisée avec l’aimable contribution iconographique des Archives départementales de la Haute-Garonne. Contact rubrique Patrimoine de Voix du Midi Lauragais : henrimarcellin@orange.fr
Un émouvant témoignage de cet exil
Cet exil contraint par l’évidence du choix patriotique n’a pas toujours été facile à vivre pour ces personnes éloignées de leur Lorraine natale. Et les premiers pas sur ce nouveau sol d’accueil se sont parfois révélés assez rudes même si la grande majorité de ces acteurs admettait avoir réussi leur intégration au sein de la population lauragaise. Il y a une vingtaine d’années dans la presse locale, certains de ces Mosellans, alors octogénaires, se souvenaient de cette tranche de vie si particulière. Aujourd’hui disparus, ces quelques lignes rendent hommage à leurs mémoires. Jean-Marie Sylvestre évoquait ainsi l’ordre d’expulsion reçu en novembre 1940 par la famille de son épouse, Monique Thomas, Lorraine d’origine, puis le départ en train vers le Midi et l’accueil de la population locale :
« Les gendarmes allemands sont arrivés dans la maison de mon beau-père en disant : ’’ Famille Thomas quatre personnes. 12 kilos de bagages. Vous laissez le chat ! Les vaches ont à manger ? Le feu est éteint ? Fermez la porte et partez ! ’’ Ils montèrent ensuite dans un bus puis dans un train en partance vers Dijon – zone de démarcation – où l’armée française les prit en charge. Les premiers réfugiés sont arrivés en milieu d’après-midi à Villefranche-de-Lauragais. Ils étaient rassemblés dans la prison (actuelle place de la Liberté) qui servait provisoirement de centre d’accueil. Le soir même ils étaient répartis dans les communes voisines de Vallègue, Renneville, Cessales, Montgaillard-Lauragais mais la plus forte délégation était restée à Villefranche-de-Lauragais. Le maire de Moyenvic de l’époque, Monsieur Mathis et le curé, l’Abbé Hennequin, étaient logés à l’ancienne sous-préfecture. Les communes d’accueil avaient organisé des réceptions et des repas en l’honneur des réfugiés qui étaient regardés – il faut bien l’avouer – un peu comme des bêtes curieuses. Les gens du pays ne comprenaient pas ce que ces réfugiés faisaient ici. J’en ai même entendu dire. Écoute ! Ils parlent français, ils parlent français ! ».